… Plus ou moins. Je vous l'accorde, Monkey D. Luffy et Peter Parker ne sont pas mal non plus. Enfin bon, moi, je n'ai pas eu besoin de manger un fruit du Démon, ni de me faire mordre par une araignée radioactive pour devenir super classe ! Ce qui m'offre quand même un bon avantage par rapport à tous les autres. Vous voulez que je vous raconte ? Haha, je vous vois bien, avec votre livre dans les mains en train d'attendre fébrilement mes révélations ! Mais là, tout de suite, eh bien … J'ai la flemme. Tant pis pour vous … EH, OH ! Revenez ! C'est bon je plaisante, okay ? Un peu d'humour ça n'a jamais fait de mal à personne. Comment ça je ne suis pas drôle ? … Eh bien, je suppose que personne n'est parfait.

 

      Je vais vous dire franchement, le jour où ça m'est arrivé, j'avais bien senti qu'il se passait quelque chose de bizarre. Déjà, je me suis réveillé. Ah oui, ça vous paraît tout bête ça hein ?! Mais pour moi non ! Rien que ça c'était dingue. Je veux dire, je me suis réveillé tout seul hein, sans mon réveil. Et le MATIN, en plus ! Oui alors je vous vois venir … Laissez-moi vous expliquer que les réveils et moi, ça fait deux. Voire trois des fois, quand j'en mets un de plus pour être sûr de me lever à l'heure. Plus sérieusement, je me suis réveillé en pleine forme et de bonne humeur, vers 9h du matin, avec Flocon sur les genoux. Pas de la neige, hein, Flocon c'est mon chat. Bon, il était là et il était réveillé lui aussi.

 

      Je me suis demandé si quelque chose nous avait tirés du sommeil, mais pas de traces de mon petit frère et pas de messages fraîchement reçus … Ah, tiens : deuxième fait étrange quand j'y repense. Mon admiratrice-pas-secrète-du-tout de meilleure amie ne m'avait même pas envoyé de messages ! Et croyez-moi si vous le voulez mais quand on est habitué à un rythme de 19 messages à la nuit, c'est vraiment surprenant sur le coup. D'accord, j'avoue, c'est un peu soulageant aussi. C'est comme si tout était super calme d'un coup, et c'est pas désagréable. Mais n'empêche, c'était bizarre.

 

      Finalement, n'en ayant honnêtement pas grand chose à faire, je me suis levé pour prendre mon petit déjeuner. Et là aussi c'était super bizarre ! Il n'y avait personne dans la maison. Ni mes parents, ni mon petit-frère … Enfin, juste après, je me suis souvenu que j'étais en jour de congé mais qu'eux, ils étaient quand même au travail ou à l'école. Oui, bon, même réveillé de bon matin je suis pas vif-vif, j'avoue. Une fois ce mystère éclairci, j'ai pu manger mon petit-déjeuner vautré devant la télé sans trop culpabiliser. J'ai conscience de ne pas paraître ultra-héroïque pour le moment …

 

      Mais peu importe ! Ce qui compte c'est qu'à la télé, j'ai vu un de ces mini-reportages qu'ils passent entre deux épisodes d'une série de temps en temps, vous voyez ce que je veux dire ? C'est comme une pub mais un peu plus long. Eh bien là, c'était un truc assez bateau sur le thème du monde qui appartient à ceux qui se lèvent tôt et tout ça. J'avoue que d'habitude, je n'y prête pas spécialement attention mais là, vu la situation que je viens de vous exposer, ça m'a quand même marqué. Et tout à coup, je me suis dit « Et si à partir de maintenant, là, tout-de-suite, le monde m'appartenait ? ». En fait, je me suis assez vite demandé ce que j'en ferai et comme je n'en avais pas la moindre idée, et que je n'aspire pas spécialement à la maîtrise du monde comme les gros méchants des films … Je me suis dit « Bon, alors, et si à la place d'être le maître du monde, je devenais génial ? ». Et voilà comment ça a commencé ! Je ne remercierai jamais assez Barney Stinson qui a été, je l'avoue, mon inspiration sur cette dernière pensée. Ce type est vraiment incroyable d'ailleurs, mais bon, ce n'est pas vraiment le sujet si ? Après tout, pour une fois que c'est de moi qu'on parle !

 

…

 

      … Vous attendez quelque chose, là ? Euh … La suite ? Mais c'est tout ! Enfin je veux dire. Non ce n'est pas tout, d'accord. Il m'est arrivé un tas de choses passionnantes ensuite mais oui, c'est le seul événement qui me soit arrivé pour me rendre aussi extraordinaire que je le suis maintenant. Comment ça « décevant » ?! Bah j'aimerai vous y voir vous aussi ! C'est pas tous les quatre matins qu'on a une révélation pareille ! Surtout quand, comme moi, on est plutôt de l'après-midi … Enfin bref, oui oui, je vous l'affirme haut et fort : ce jour-là, j'ai décidé que j'allais devenir quelqu'un de génial. Et il ne m'a rien fallu de plus pour le devenir effectivement.

 

…

 

      Quoi encore ?

 

 

      Évidemment que je vais vous raconter la suite de mes aventures ! Vous croyez quoi ? Que les autres pages de ce livre sont blanches ? Comme si j'allais vous laisser écrire MA vie, haha ! Non mais franchement. Mais pour un premier chapitre, c'est peut-être pas mal de s'arrêter là, non ? En tous cas moi, je trouve. Alors vous ne saurez rien de plus pour le moment. Mais soyez patients … ça va venir !

 

      Quand on change du tout au tout en une seule phrase à peine pensée … On ne le sait pas forcément ! Par exemple, là, je ne m'étais pas dit que ma vie allait changer tout d'un coup après m'être dit ça. Je ne pouvais pas savoir que la disposition des flux magnétiques terrestres et des astres à l'instant T était concordant avec … Non d'accord j'arrête, je raconte n'importe quoi. En tous cas, je peux vous dire que j'ai continué à vivre normalement. Mais ce nouvel état d'esprit a continué à s'agiter en moi, tout doucement. Je sentais au creux de mon estomac un petit quelque chose qui me disait « ne m'oublie pas ! », et pourtant je n'avais pas le hoquet.

 

      Vers quatorze heures, j'ai fini par recevoir un message d'Alixe, mon amie-ratrice dont je vous parlais au début du chapitre 1. Avant de vous en révéler le contenu, je tiens à vous faire remarquer que j'ai fait un jeu de mot, à la phrase d'avant. Vous l'aviez compris ? C'est bon maintenant ? Dans son message, donc, elle me parlait d'un sentiment étrange qu'elle avait me concernant. La nuit même, elle avait fait un drôle de rêve dans lequel je brillais (au sens propre, j'émettais bel et bien une lumière). Et tout au long du rêve, des personnes venaient me parler et en quelques mots je pouvais tout faire basculer en ma faveur. Ce rêve m'a fait sourire, puisque j'étais encore tout frais de ma nouvelle révélation. Je lui en ai parlé et elle m'a demandé si on pouvait se voir. J'ai trouvé ça bizarre, non pas parce qu'elle me demandait qu'on se voie – elle le fait TOUT. LE. TEMPS. – mais plutôt parce que pour une fois, ça n'avait pas l'air d'être juste pour le plaisir. Son message avait un ton si sérieux, et elle avait l'air tellement soucieux en me demandant ça que je n'ai même pas pensé à refuser. Quelque chose la tracassait réellement par rapport à ce rêve qu'elle me racontait, c'était évident. Je lui ai donné rendez-vous à mi-chemin entre chez moi et chez elle dans un parc, et c'est seulement une fois que j'ai été installé sur un banc avec de la musique dans les oreilles que je me suis dit que c'était débile. Sincèrement : votre meilleure amie vous envoie un texto pour vous dire qu'elle a fait un rêve bizarre et c'est branle-bas de combat pour qu'elle vous le raconte de vive-voix ? Hum … ça ne me ressemblait pas trop d'accorder autant d'importance à ses états-d'âme. Surtout qu'elle me faisait souvent ce genre de coups de stress inexpliqués !

 

      J'ai étendu mes jambes devant moi en soupirant, m'appuyant sur le dossier du banc, les mains dans les poches. Maintenant que j'étais là, autant l'attendre ! Je me suis dit que ça devait être ce début de journée bizarre qui m'avait poussé à faire ça, et je n'ai pas prêté attention à ma petite voix toujours présente sous mon sternum. Elle me disait avec un sourire « tu as bien fait, c'est exactement là que tu dois être ». Je n'y ai pas prêté attention mais au fond, je crois que ça m'a quand même rassuré. Par la suite, j'ai appris à l'écouter plus souvent.

 

      Quand Alixe est arrivée, elle avait les sourcils froncés et ne souriait pas. Elle ne faisait pas non plus la tronche mais je sentais bien qu'elle était sincèrement préoccupée. Elle s'est assise à côté de moi sans répondre à mon « Yo ! » et j'ai vu qu'elle était toute pâle.

 

- Est-ce que ça va ? ai-je demandé.

- Regarde ça, a-t-elle répondu sans broncher.

 

      Et elle a sorti un dessin de son sac. C'était super mal fait. Du coup, j'ai vraiment pas compris où elle voulait en venir et ça l'a agacée.

 

- Mais tu vois bien que c'est toi ça ! Et là, il y a toutes les autres personnes de mon rêve. Et là, c'est moi.

 

      Elle me montrait les zones du dessins qui correspondaient à ce qu'elle me disait. J'étais un gros bonhomme au centre de la feuille, et un tas d'autres gens étaient partout autour de moi. Elle, elle s'était représentée dans un coin en bas à droite de la feuille, toute petite.

 

- D'habitude, a-t-elle repris, je suis toujours le personnage principal dans mes rêves ! Je vois toujours à travers mes propres yeux. Mais là non, c'était pas ça. C'était comme si tout le monde s'était mis à tourner autour de toi.

- Hum … Ouais bah, tu me kiffes quoi …

- Matt, s'agaça-t-elle, tu veux pas être sérieux deux minutes ? Ce que j'essaye vainement de te faire comprendre, andouille, c'est que mon rêve n'était pas vraiment un rêve.

- Tu penses à un genre de rêve prémonitoire ? ai-je demandé avec un sourire.

- Je ne sais pas trop … Mais disons que ça y ressemble un peu. Ou plutôt, un pressentiment.

 

      J'ai fait l'effort de ne pas éclater de rire, parce qu'elle était super sérieuse. Mais ça m'a coûté de me retenir et je pense qu'elle s'en est aperçue parce qu'elle m'a foudroyé du regard, elle a remballé sa feuille et elle s'est levée comme pour partir. Sauf qu'au moment où je me penchais pour la rattraper, elle s'est retournée et plantée devant moi avec les poings sur les hanches comme dans les films. C'était encore plus drôle, et cette fois-ci j'ai lâché un sourire moqueur.

 

- Je suis sérieuse Matt. Tu sais très bien que je ne crois pas à tout ça, et moi je sais très bien que tu y crois encore moins ! Alors à ton avis, pourquoi je t'ai quand même demandé de venir pour en parler ?

- Oh ! Tu voulais juste me voir … ?!

 

      La vérité m'a frappé comme une évidence. Alixe m'a frappé tout court. Apparemment, ce n'était pas la vérité finalement.

 

- Mais aïeuh t'es folle ?!

- T'es insupportable !!! Pourquoi tu veux jamais m'écouter sérieusement ?

- Mais je t'écoute roooh … C'est simplement que si c'est un rêve prémonitoire, au pire, qu'est-ce que ça fait ? C'est cool non ?

 

      Elle n'a pas répondu et quand j'ai relevé la tête, j'ai vu qu'elle se mordait la lèvre comme quand elle se retient de pleurer. Je me suis senti coupable, tout à coup, et je me suis levé pour la prendre dans mes bras. Elle s'est laissée faire alors je me suis excusé, et je lui ai dit que je l'écoutais vraiment, et que je comprenais que c'était important. Je l'ai encouragée à vraiment tout me raconter sur ses impressions et ce qui semblait l'inquiéter tant, et j'ai fait l'effort d'ouvrir un peu mon esprit à ce qui me semblait inconcevable.

 

- Quand j'ai fait ce rêve, je n'étais pas éveillée mais c'était tout comme. J'avais vraiment conscience de ce qui se passait autour de moi et en même temps, ce n'était pas une vraie scène qui se déroulait. C'était plus comme si j'avais aperçu des bribes de sensations de ce qui allait se passer plus tard. En fait, c'était comme si je captais les sentiments des gens autour de toi. Et je suis certaine que ça va se produire, une grande foule va t'admirer à un point presque flippant, bientôt.

- Bon, alors mettons que ce soit vrai puisque tu en as l'air absolument persuadée … Pourquoi est-ce que ça te fait peur ?

- Parce que tu ne te ressemblais pas. On aurait dit que quelque chose t'habitait et que tu étais limite possédé. Je te jure c'était flippant.

 

      La petite voix a remué en moi, et tout à coup, je me suis dit que ce n'était peut-être pas si stupide que ça, ce qu'elle me racontait. Je me suis mis à croire qu'elle avait peut-être vraiment eu une prémonition.

 

- Et puis, il y a autre chose qui me fait peur, a-t-elle continué.

- Quoi ?

- Eh bah, ça existe pas les rêves prémonitoires !!! Alors si je commence à en faire ça veut dire que le surnaturel existe. Alors ça veut dire qu'un tas d'autres trucs peuvent exister, genre la Force et tout ça ! T'imagines ? C'est hyper …

- COOL ! me suis-je écrié, les yeux brillants.

 

      Elle m'a regardé comme si j'étais fou, et finalement elle a plissé les yeux pour réfléchir et a éclaté de rire.

 

- Okay ! Là je te l'accorde, ce serait hyper cool ! Surtout que ça voudrait dire que j'ai des supers-pouvoirs !

 

      Elle s'est détendue d'un coup et je me suis senti soulagé. Je préférais quand elle souriait. Et maintenant que je commençais à y croire, j'avais hâte de voir si son rêve allait se réaliser …

 

      Je suis rentré chez moi assez tard le soir, après avoir passé l'après-midi à refaire le monde avec ma meilleure amie en riant pour tout et pour rien. Un petit moment simple et posé comme je les aime. Mon petit-frère et mes parents étaient déjà rentrés quand je suis arrivé et ma mère ne savait pas trop quoi faire à manger, alors forcément j'ai sauté sur l'occasion pour lui proposer mon plat préféré …

 

- Du confit de canard !

 

      Avouez, vous auriez fait pareil à ma place. D'abord parce que c'est quand même le truc le meilleur de la Terre. Ensuite parce que même si on en avait mangé deux jours avant, on ne fait jamais d'excès de confit ! Bon, je savais d'avance qu'elle allait refuser, justement parce qu'on avait déjà eu ça au menu pas longtemps avant. Mais juste au moment de me dire non, elle m'a regardé et a semblé hésiter. Sans m'en rendre compte, j'ai mis toute la persuasion possible dans ma voix et j'ai répété :

 

- On pourrait manger du confit de canard avec des frites, non ?

- Hmm … Oui, tu as raison, a-t-elle simplement répondu.

 

      Je l'ai regardée avec des grands yeux étonnés. Si j'avais pu lever un seul sourcil comme Alixe sait le faire, je l'aurai fait. Mais je ne sais pas, alors je me suis contenté d'ouvrir de grands yeux. Au même moment, mon petit-frère a bondi du canapé et s'est agrippé à mon bras en poussant des petits cris de joie du style « ouaiiiis on va manger du confiiit ! ». J'étais super content aussi alors j'ai rien dit, mais quand j'y repense ça fait quand même vachement penser à la Force, ce qui s'est passé ! Vous savez, du genre « Tu vas préparer un confit de canard avec des frites ... » et là l'autre répète d'une voix robotique : « Je vais préparer un confit de canard avec des frites ... ». Pourtant, ça n'avait aucun rapport (à ce stade de l'histoire je ne peux pas le savoir, mais à l'instant où j'écris ça je le sais, donc vous pouvez me croire). On peut résumer ça à : j'ai fait preuve d'un charisme tout neuf qui m'a rendu très convaincant.

 

      Après le repas, en allant me coucher et au moment de mettre une série pour m'endormir, j'ai repensé à la prémonition d'Alixe. Est-ce que ça pouvait avoir un rapport avec ce qui s'était passé au repas ? Je lui ai envoyé un petit message pour le lui raconter et elle m'a répondu immédiatement qu'elle allait le noter dans son carnet, après le rêve qu'elle avait aussi consigné. C'était bien son genre de tenir un carnet pour ce genre de trucs, où de raconter ses rêves dans son journal intime. Ça m'a fait sourire. En même temps, j'étais quand même un peu content qu'elle le fasse. Au moins, on aurait une trace écrite de tout ça si sa prémonition continuait de se réaliser.

 

      Juste avant de sombrer dans le sommeil, je me suis fait la remarque que croire aux rêves prémonitoires revenait à croire aux horoscopes. Débile. Et tout naturellement, je me suis dit que ce qui fait la force d'un horoscope, c'est le côté très « peu détaillé » des événements qu'on vous prédit. Finalement, qu'est-ce qui me prouvait que je n'étais pas juste en train d'adapter un événement banal à ce que j'attendais qu'il se produise ? Du style « aujourd'hui, le monde vous sourit » et là paf, tu as une voiture qui s'arrête du premier coup au passage piéton et tu es persuadé que ton horoscope disait la vérité. Peut-être que j'avais fait pareil …

 

***

 

      J'étais décidé à réessayer mon pouvoir de persuasion dans les jours suivants, histoire d'être sûr. Du coup, le lendemain matin je me suis levé en pleine forme et j'ai filé au boulot de super bonne humeur. Si j'avais été un peu moins empressé j'aurai pris le temps de regarder mon téléphone et de voir que j'avais un message d'Alixe. Mais bon, ça n'a pas été le cas.

 

      Du coup, en arrivant au travail j'ai un peu tenté le tout pour le tout en demandant à ma patronne de remplacer une de mes collègues pour son déplacement dans un autre magasin. Je savais que j'aurai le droit à une prime si je me déplaçais. La patronne m'a regardé comme si j'avais craqué et heureusement qu'elle m'aime bien, parce qu'elle a pris ça à la rigolade et m'a dit qu'elle appréciait mon dévouement mais que ça irait. Je me suis senti bien débile et ça m'a découragé pour le reste de la matinée. J'étais tout morose.

 

      Le midi, j'ai lu le message d'Alixe. Je me sentais trop déprimé pour faire quelque chose de spécial.

 

      Ah oui, petite pause avant de continuer. Vous devez être en train de vous dire que c'est quand même sacrément débile de :

 

1. Avoir cru à un pseudo-rêve prémonitoire

2. Être déprimé pour si peu

 

      Mais il faut savoir que la petite voix de mon estomac s'était tue elle aussi et j'avais limite l'impression d'avoir halluciné la journée de la veille tellement j'étais persuadé d'être devenu particulier sur le moment ! C'est aussi pour ça que j'ai ressenti le besoin d'écrire à Alixe. Je pense que j'avais envie de croire que je n'étais pas seul dans mon délire. Je n'ai pas été déçu.

 

« De : Lyx

 

Yo ! Bien dormi ? Faut que je te raconte, ça a recommencé. J'ai encore rêvé de toi (pas de blague foireuse – merci). Mais là ça va moins te plaire : tu te faisais grave recaler à ton boulot. Je sais pas trop pourquoi ni comment mais c'était un peu genre « il me veut quoi lui ? ». Et puis j'ai fait un deuxième rêve un peu après, mais j'étais une vache et je crois pas que ce soit lié. J'espère PAS en tous cas !!! Bref, du coup fais rien de stupide parce que dans le doute que ce soit vrai … J'espère que non mais bon. Je peux te dire que dans mon rêve t'avais pas trop d'aura comme la dernière fois. Alors comme je pense que t'es capable de vouloir retenter le coup du confit de canard, réfléchis-y à deux fois okay ?

 

Ah oui, tant que j'y pense : à la fin du rêve, tout le monde riait autour de toi au boulot, en mode moquerie. Je ne sais pas trop pourquoi mais t'avais l'air d'avoir une sacré poisse en tous cas ! Quelque chose me dit que tu vas pas passer une super journée, essaye de faire attention à toi. »

 

      Hmm … Au moins, on ne pouvait pas dire que j'avais été influencé par ses rêves cette fois ! J'avais bien eu la poisse qu'elle décrivait mais avant même de savoir qu'elle l'avait prédit. Je me suis promis de ne surtout rien faire ou dire d'inconsidéré l'après-midi. Cette histoire commençait à devenir franchement étrange et peut-être même flippante : est-ce que j'avais envie de savoir à l'avance quand il allait m'arriver un truc pourri ? Et si jamais Alixe apprenait un truc grave, et qu'elle me le disait, pouvais-je l'éviter ?

 

      Je n'ai pas vraiment eu le loisir de réfléchir à ces questions jusqu'à la fin de la journée, parce que les clients se sont bousculés. Mon soulagement c'est qu'il ne m'est rien arrivé d'humiliant ni de dégradant et je me suis dit que ma poisse était restée cantonnée au matin. Peut-être même que ça n'avait aucun rapport ! J'avais envie d'arrêter de me faire des films et de me calmer par rapport à tout ça. C'était juste du gros n'importe quoi, clairement. J'ai un peu ragé contre moi-même pendant le trajet du retour, mais en coupant le contact, au moment de sortir de ma voiture, je me suis rendu compte que la petite voix était revenue. Je la sentais là, bien au chaud, qui chantonnait « pas si vite … ». Tout à coup, je me suis senti épuisé par tout ça et ces phénomènes que je ne comprenais pas mais qui me semblaient si réels alors que la veille à peine, j'étais juste un mec normal. Je suis allé me coucher directement après le repas et j'ai demandé à Alixe de ne pas me faire part de ses rêves si elle en refaisait le lendemain. Je lui ai dit que je pensais qu'on s'était un peu emballés et que tout ça, c'était n'importe quoi. Elle a eu l'air un peu vexé mais j'avais pas la force de discuter, j'ai balancé mon portable sur le canapé à côté de mon lit et je me suis endormi comme une masse.

 

***

 

      Les jours qui ont suivi, et jusqu'au week-end, j'ai fait de gros efforts pour ne plus penser à tout ça. La révélation que j'avais eue devant la télé était toujours quelque part dans un coin de ma tête et je ne voulais pas en démordre : j'avais envie de devenir quelqu'un de génial ! Mais je ne voulais pas devenir quelqu'un de schizophrène du sternum et dont la meilleure pote est capable de prédire l'avenir. J'ai laissé filer le temps et il ne m'est rien arrivé de bizarre. Je me suis quand même dit que j'avais dû mettre Alixe bien en colère, parce qu'elle ne m'écrivait plus du tout depuis mon dernier message. Mais je n'avais pas envie d'en reparler avec elle pour le moment. En plus, ses rêves allaient probablement se calmer quand elle arrêterait d'y croire.

 

      Comme j'avais un week-end de trois jours et que j'en profitais pour aller voir des amis pas loin de chez elle, je me suis douté qu'elle voudrait qu'on se voie, alors j'ai évité de lui dire. Oui, je sais, c'est pas hyper cool. Mais en même temps il faut me comprendre, je n'avais vraiment pas envie de me prendre la tête là, et j'étais certain que ce serait le cas si on se voyait. D'abord parce qu'elle serait en colère, et ensuite parce qu'elle voudrait en reparler absolument.

 

      Je me suis donc préparé à passer le week-end chez mes potes. Mais au moment de partir, mon petit-frère est arrivé près de ma voiture. Il était étrange, sa démarche était raide et ses yeux regardaient droit devant lui, dans le vague. Quand il est arrivé à ma voiture il s'est planté devant moi et a commencé à débiter des petites phrases comme un automate. Sa voix était différente. En fait, elle ressemblait à celle qui résonnait en moi.

 

- Quelque chose a changé, que tu le veuilles ou non. C'est tombé sur toi et c'est comme ça. Tu ne peux pas fuir. Tu dois assumer ce que tu as voulu devenir. Tu ne peux pas m'ignorer. Je te rappellerai toujours mon existence. Tu vois ce que je peux faire. Tu ferais mieux d'arrêter d'ignorer ton amie. Autour de toi certaines choses vont se produire. Tu ne seras bientôt plus le seul concerné. Tes proches y seront mêlés. Elle seule peut savoir comment. Toi seul peut intervenir sur ces événements. Ils se déroulent autour de toi. Ils gravitent autour de toi. Sois prudent. Sois courageux. Ne fuis plus.

- Qu'est-ce que tu racontes, ai-je commencé en profitant d'une pause dans son monologue. Qui … Qui es-tu ?! C'est quoi ce délire à la fin ?? Je suis en train de péter un câble ou quoi ? C'est une blague c'est ça ? C'est pas drôle okay, là ça commence à être flippant !

- Tu sais que c'est vrai, pourtant, s'est amusée la petite voix – dans ma tête cette fois.

- Okay. D'accord. Je deviens fou ça y est c'est sûr cette fois. Je suis fou. Je vais forcément reprendre mes esprits ou alors … Il va se passer un truc. On va m'interner.

 

      Plus je parlais à voix haute, plus je perdais pied. Je me suis senti totalement dépassé par les événements, je ne me reconnaissais plus du tout. J'avoue que j'ai totalement paniqué. Qu'est-ce que ça voulait dire ?! J'étais en train de carrément craquer, avec les larmes aux yeux et tout le bazar, quand j'ai entendu les graviers de l'allée crisser et un bruit de moteur. Quand j'ai reconnu le rouge pétant de la voiture d'Alixe, j'ai cru que j'allais mourir de soulagement. Jamais je n'aurais pensé être aussi heureux de la voir ce week-end là, finalement ! Elle s'est garée totalement à l'arrache et a bondi hors de sa voiture sans même prendre la peine de fermer la portière. Elle s'est précipitée vers moi et m'a sauté dans les bras l'espace d'une seconde avant de se reculer et de prendre mon visage entre ses mains pour me regarder droit dans les yeux. Elle a hoché la tête et s'est accroupie devant mon petit-frère. Elle a vissé son regard dans le sien, toujours vague. D'une voix autoritaire, elle a lui a ordonné de revenir avec nous, et elle a claqué des doigts juste à côté de son oreille. Il a vacillé mais j'ai eu le réflexe de le retenir avant qu'il ne tombe et là, comme si de rien n'était, il a cligné des yeux et affiché un immense sourire.

 

- Aliiiiixe ! Je ne savais pas que tu venais à la maison ce week-end ! C'est trop bien !

- Haha désolée de te décevoir mais je rentre chez moi, je suis juste passer t'emprunter ton grand-frère, ça marche ?

- Ooh … Trop nul, bouda-t-il. C'est pas juste, je vais encore rester tout seul …

- Vois le bon côté, a-t-elle continué en lui ébouriffant les cheveux, tu vas avoir la console rien que pour toi et en plus Matt m'a dit qu'il ferait des parties avec toi en rentrant !

 

      Elle m'a fait signe d'approuver, alors j'ai hoché la tête. En vérité, j'étais trop choqué pour réfléchir et je voyais cette scène irréelle se dérouler sous mes yeux. Elle a dû réussir à convaincre mon frère de l'avantage qu'il retirait de la situation, parce qu'il est rentré dans la maison sans broncher en nous disant au revoir de la main. Elle s'est tournée vers moi dès qu'il a eu refermé la porte, et ses sourcils étaient froncés d'inquiétude.

 

- Est-ce que ça va ?

- Non. Clairement, non. Alors on va aller dans ma chambre et tu vas tout m'expliquer sur ce qui vient de se passer et me jurer que je ne suis pas juste en train de devenir taré !

 

      Elle a acquiescé d'un air grave et a posé sa main sur ma joue. Ce contact réel et concret m'a un peu rassuré. Je n'étais plus seul. Plus seul avec cette voix inquiétante.

 

      On s'est posés sur mon lit pour discuter de tout ce qui venait de se passer, le temps que je reprenne mes esprits et que je sois capable de conduire jusqu'en ville. Alixe a pris une tranche de brioche et s'est mise à la mâchonner distraitement. J'ai été surpris qu'elle ne se lance pas directement dans de longues explications.

 

- Bon, ai-je commencé. Tu m'expliques ?

- Tu as envie ? a-t-elle demandé d'un air renfrogné.

- Attends, quoi ? Tu me demandes si j'ai envie … ?

- Oui, a-t-elle dit sèchement en me fusillant du regard. Ça fait plusieurs jours que tu m'ignores totalement ! Tu ne veux plus entendre parler de mes prédictions alors tu as totalement arrêté de m'écrire et en prime, tu me laisses toute seule avec mes inquiétudes !

- Mais … ai-je balbutié, pris au dépourvu. Je ne savais pas que tu continuerais à en avoir … J'ai pensé qu'on s'était emballés et que tout ça, c'était n'importe quoi. Je suis désolé.

- Bon, a-t-elle lâché. D'accord, je comprends …

- Arrête de bouder. Je te remercie d'être intervenue alors que je ne voulais plus qu'on en parle.

 

      Il y a eu un blanc, alors j'ai pris un air sûr de moi et je lui ai décoché un sourire enjôleur, avant de dire d'une voix grave « Merci bébé ! ». Elle a relevé la tête, surprise, avant de pouffer de rire et de me dire que j'étais ridicule. J'en ai profité pour lui demander de me raconter ce qui s'était passé ces derniers jours. Globalement, sa semaine avait été plutôt banale malgré quelques rêves très courts et sans grande importance. Elle en est donc venue aux faits.

 

- Aujourd'hui, j'étais en train de bosser mes cours dans mon canapé et là … Paf ! Je me suis endormie sans le sentir venir. J'ai juste eu cette vision de toi en train de perdre pied et de paniquer complètement. Je te voyais et je ressentais toute ta peur et tout ça … C'était hyper impressionnant. Et puis comme j'avais quand même eu d'autres expériences étranges cette semaine, j'ai vraiment pas du tout douté de la réalité de ce que je voyais. Déjà, je commençais à reprendre conscience et à me dire qu'il fallait que je t'appelle, mais juste à la fin de ma … Vision … l'ambiance a changé d'un seul coup. Je t'ai vu attraper ton petit-frère et tenter de lui faire du mal ! Je me suis réveillée d'un seul coup et là j'ai même pas pris le temps de réfléchir, j'ai tout de suite pris mes affaires et j'ai couru à ma voiture. Je ne savais pas du tout si j'arriverai à temps où si c'était en train de se passer mais dans le doute … En fait, je crois que j'ai pas trop réfléchi

- Pour une fois que tu réfléchis pas trop !

- C'est malin ...

- Heureusement que t'es venue, ai-je repris. Si jamais j'avais fait du mal à mon frère, je crois que je m'en serai trop voulu.

- Ah bah ça … J'ose même pas imaginer !

 

      On a laissé un flottement. J'étais en train de reprendre mes esprits et l'adrénaline retombait un peu.

 

- Tu sais ce que ça veut dire, tout ça ? a repris Alixe, l'air songeur.

- Hmm ?

- Que tu peux intervenir pour changer ce que je vois dans mes rêves ! La prédiction ne s'est pas réalisée. Donc tu peux influencer l'avenir que je vois, tu n'es pas obligé de le subir !

- Oh ! C'est vrai, je n'y avais même pas pensé mais t'as raison !

- C'est plutôt rassurant quand même !

 

      J'ai hoché frénétiquement la tête. Ça changeait tout ! Parce que ça voulait dire que non seulement je pouvais recommencer à écouter les rêves d'Alixe, mais qu'en plus j'avais intérêt à le faire si ça pouvait éviter que j'agresse mes proches sans raison …

 

      Alixe a sorti son carnet et s'est mise à gratter. Moi, maintenant que j'allais mieux, je commençais à avoir envie de bouger. Je vous avoue qu'à l'époque, ce n'était pas franchement comme ça que j'avais imaginé mon début de week-end. J'avais hâte d'aller chez Alex.

 

      Alex, c'est le pote dont je vous parlais plus tôt – d'ailleurs, ça a toujours pas mal compliqué les choses que leurs prénoms sonnent aussi proche avec Alixe. À ce stade de l'histoire, je dois bien avouer que j'étais un peu mou et lent à la détente. Ah ! Pas la peine d'approuver comme ça, j'avais quand même des circonstances atténuantes ! Imaginez-vous dans ce genre de situation … Vous aussi vous auriez peut-être un peu dérapé non ? Inutile de prendre ces airs méprisants, vous ne saurez que si vous y êtes aussi confrontés un jour !

 

      Bref, avec le recul, je me dis que le premier truc que j'aurai dû faire, c'est en parler à mes parents, à mon grand-frère (eh oui, j'ai aussi un grand-frère !), et à mes amis les plus proches. Quand ton frangin est possédé, c'est le truc le plus logique à faire non ? En tous cas, moi je trouve. Mais d'un autre côté, si je n'avais commis aucune erreur, vous croyez franchement que je serai en train de vous écrire tout ça ? Alors arrêtez un peu d'être vexants et contentez-vous d'être de dociles lecteurs ! Vilains !

 

      En tous cas, c'est Alixe qui a pas mal pris les commandes à ce moment-là. Et même si ça nous a probablement sauvé la vie (j'y reviendrai) … Sur le coup ça m'a pas mal gavé. En plus, c'était quand même MON histoire à la base, et on n'a parlé que d'elle depuis deux chapitres ! Alors revenons un peu à nos moutons … Et à moi !

 

      Comme je vous le disais, donc … Même si j'étais reconnaissant à Alixe de m'avoir rassuré, je ne voulais pas passer deux jours à parler de ça, et il me tardait donc de rejoindre Alex. Mais la demoiselle ne l'entendait pas de cette oreille, et elle a commencé à m'interroger.

 

- Il s'est passé quoi avec ton frère avant que j'arrive ?

- Ah ouais, me suis-je souvenu, c'est vrai que t'étais pas encore là. Eh bah, il a commencé à me parler, sauf que ce n'était pas sa voix, c'était plutôt une voix féminine, et il regardait droit devant lui et …

- Euh, attends, quoi ?

 

      Elle me regardait avec son fameux sourcil relevé. Ça m'a amusé. J'ai décidé de vraiment tout lui raconter, pour la petite voix et tout ce que je ressentais. Je lui ai aussi répété les paroles de mon frère en mode possédé, et elle les a toutes notées. Ça m'a surpris de m'en souvenir si bien, d'ailleurs. Je me suis demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire, tout ce charabia. Mais Alixe semblait avoir sa petite idée parce qu'elle s'est mise à sourire d'un air entendu.

 

- Les seules phrases un peu mystérieuses, ce sont celles-ci : « Autour de toi certaines choses vont se produire. Tu ne seras bientôt plus le seul concerné. Tes proches y seront mêlés. ». Pour le reste … « Elle seule peut savoir comment. » je pense que ça pourrait éventuellement avoir un lien avec le fait que je peux prédire ton avenir …

- Ben …

 

      J'ai froncé les sourcils sans trop comprendre … Mais Alixe m'a regardé en tirant la langue. Elle se fichait de moi ! Évidemment que ça avait un rapport. J'ai rigolé. Elle avait l'art de savoir dédramatiser, c'était vraiment cool. On a commencé à délirer : « Oui, normal quoi ! Enfin je veux dire. La base. Lire l'avenir des gens. Lancer des lasers avec les yeux … ». ça nous a détendus. Quand on s'est enfin calmés, elle a repris.

 

- Avec le « Toi seul peut intervenir sur ces événements. », on a au moins la certitude que tu peux influencer mes prédictions. On l'avait deviné mais c'est confirmé.

- Ouais, d'accord. Bon, je t'avoue que le seul truc qui m'inquiète vraiment c'est la phrase qui dit « Tu te feras virer de ton taf et ta famille explosera lors d'un attentat dans ta piscine. ». J'avoue que celle-ci …

 

      Je me suis interrompu parce qu'elle avait éclaté de rire et qu'elle ne m'écoutait plus.

 

- T'es trop grave, a-t-elle hoqueté entre deux rires, je ne m'y attendais pas ! Je te ferais remarquer qu'on parle sérieusement là !

- Hmm ? Oui ? C'est à moi que vous vous adressez ?

- Matt !!

 

      Elle a ri encore quelques secondes avant de faire semblant de brusquement reprendre son sérieux et de me taper sur la tête. J'ai pris un air de chien battu.

 

- Maiiiis … ça fait mal !

- Bien fait ! Allez, laisse-moi finir. Tu ne devais pas aller chez Alex cet après-midi ?

- Si !

- Bon, alors plus vite on termine, plus vite tu y vas.

- Coooool !

- Dis-le si je t'embête hein ?

- Ben …

 

      Elle m'a jeté un regard noir. Ou plutôt, elle a essayé, parce qu'elle n'était pas du tout crédible. J'ai pris un air innocent pour rentrer dans son jeu. Elle a repris, faussement fâchée.

 

- J'essaye de t'aider, je te ferai remarquer.

- Mais oui, mais oui, je sais. Allez, je t'écoute !

- Bon, a-t-elle continué plus sérieusement. En gros, ce que ta voix chelou t'a dit, c'est que ce qui t'arrive va s'étendre autour de toi. C'est ça qui m'est arrivé. C'est toi qui a changé et c'est autour de toi que gravitent ces phénomènes étranges, mais il semblerait que tu aies aussi filé une partie de tes pouvoirs à tes potes. En tous cas, à moi.

- Tu veux dire que d'autres de mes amis vont se mettre à voir l'avenir ?

- Je ne pense pas qu'on va tous se mettre à ça, non, mais c'est possible qu'ils commencent à avoir aussi des capacités … Surnaturelles ?

- N'importe quoi, ai-je répondu en me braquant. Le surnaturel ça n'existe pas ! C'est bon maintenant …

- Matt, tu es en train de dire que je ne t'ai pas vu péter un câble tout à l'heure depuis mon canapé, et que ça ne m'a pas permis d'intervenir à temps ?

- C'est un hasard !

- Un hasard ?! Tu te fiches de moi ? Pourquoi tu replonge dans le déni comme ça ?

- Mais parce qu'on est dans la vraie vie là ! Et ça n'existe pas ça.

- Bon, à un moment, il va falloir que tu arrêtes avec ça et que tu acceptes que le monde qu'on connaît est en train de changer. Et pas de pot, c'est autour de toi que ça tourne en prime !

- Mais …

- Mais quoi ? C'est hyper cool Matt ! Tu vas avoir des supers-pouvoirs ! Comme moi, c'est un super-pouvoir de voir l'avenir tu crois pas ? Ça m'étonne de toi que tu ne voies pas tout de suite le bon côté, et à quel point ça pourrait être fun ! Allez, essaye de sourire et de prendre les choses un peu plus comme elles viennent !

- Tu me connais, j'aime pas me prendre la tête, j'aime pas réfléchir … Et là le plan ça a l'air d'être à la fois prise de tête ET de demander de la réflexion ! Donc non j'ai pas vraiment envie que ça m'arrive. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, tout ça, tu captes ? Bah moi c'est pas pour moi. Changer de monde, atterrir dans Star Wars et tout, mettons ! Mais que le monde change autour de moi, là c'est un peu différent.

- Mais c'est pas grave, tu n'es pas seul puisqu'on est là.

- On c'est qui ? Mes potes, ceux qui vont aussi muter pour devenir aussi barrés que moi, comme si je leur avais refilé une maladie ? Génial …

- Mais oui, exactement figure-toi ! On va devenir une bande de héros, comme euh … Les X-Men ? J'en sais rien.

- Laisse tomber, ai-je répondu en souriant malgré moi. T'y connais rien en supers-héros. En plus il y a toujours des gros méchants et des gens qui meurent ça craint un max.

- Bon, d'accord … Je comprends que ça te fasse tout bizarre pour le moment. Mais tu as entendu ce que la voix t'as dit : tu ne peux pas fuir. Alors vas-y, va chez Alex et éclate-toi mais il faut que tu saches que ça finira par te rattraper. Et si tes amis sont concernés par ce qui se passe … Je trouve que ce serait logique que tu lui en parles. Préviens-le …

- Ah non !! Non alors là c'est hors de question, me suis-je énervé. Je ne veux pas qu'on passe le week-end à parler de ça ensemble. En plus, je suis sûr qu'il serait exactement comme toi : beaucoup trop emballé à l'idée ! Et puis d'ailleurs, ça suffit maintenant. J'ai récupéré mes esprits, on s'en va.

- Hein ? Mais … Matt, attends !

 

      Je ne l'ai pas laissée finir et je me suis levé. Alixe m'a suivi en essayant de me convaincre de rester encore mais sans savoir pourquoi, j'étais agacé et à bout de nerfs. Une partie de moi savait qu'elle avait raison et que j'aurai dû prévenir Alex, parce qu'il risquait de se mettre à lui arriver des choses … Mais en même temps j'étais exaspéré par toutes les bonnes intentions de ma meilleure amie. Elle voulait peut-être mon bien et celui de mes amis, mais je refusais de mêler quelqu'un d'autre à tout ça pour l'instant. Et si tout le monde devenait aussi envahissant qu'elle ? Si tout le monde commençait à y aller de sa petite théorie ? Dans ce cas, je n'aurai vraiment plus jamais la paix ! Une seule tarée avec moi, c'était bien suffisant.

 

 

      Bien sûr, je sais que j'avais peur, aussi. Sinon, je n'aurai sûrement pas réagi si brusquement. Je lui ai dit au revoir en lui promettant qu'on reparlerait de tout ça très bientôt. Je l'ai serrée dans mes bras pour ne pas qu'elle se sente trop rejetée non plus, sans quoi j'étais bon pour recevoir des SMS tout le week-end. On a fini par repartir chacun de notre côté et une fois seul dans ma voiture, sur la route avec Naâman à fond … J'ai enfin recommencé à me détendre !

 

      Mon répit a vraiment été de courte durée. Quand je suis arrivé chez Alex, je l'ai trouvé un peu étrange. Il avait l'air de celui qui me cache quelque chose. Et dès qu'il a eu fermé la porte de son appartement – à clé, chose qu'il ne fait jamais – mes impressions ont été confirmées.

 

- Matt, tu crois aux trucs un peu … Surnaturels ?

- Oh non, ai-je soufflé, dépité. Me dis pas que toi aussi. Alixe t'a parlé, c'est ça ?

- De quoi ? a-t-il demandé en fronçant les sourcils. Non, pourquoi ? Qu'est-ce qui lui arrive ?

- Euh, non rien, ai-je éludé en voyant qu'il était sincèrement surpris. Non, je ne crois pas aux trucs surnaturels. Mais vas-y, envoie, je suis prêt.

 

      Je l'ai regardé, mi-curieux, mi-blasé. Il avait un petit sourire espiègle qui m'a donné envie de sourire. Ma curiosité s'est accentuée.

 

- Donne-moi ton portefeuille.

- Oulah ! Dis-donc toi, tu crois que tu vas m'avoir aussi facilement, ai-je demandé en riant. Si tu veux me piquer de la thune il va falloir t'y prendre autrement !

- Mais non, allez fais-moi confiance ! Tu le ranges où, habituellement ? m'a-t-il questionné tout en prenant la pochette que je lui tendais.

- Dans la poche arrière de mon jean.

- Très bien, alors lève-toi et admire !

 

      Il a posé mon porte-monnaie sur son bureau et l'a fixé intensément. Puis il a approché sa main comme pour le reprendre … Mais au moment où sa main a touché le tissu, mon portefeuille s'est volatilisé ! J'ai poussé un cri, et je vous jure que j'ai cru que j'avais halluciné ! J'ai cligné plusieurs fois des yeux et Alex s'est tourné vers moi avec un sourire super fier. Tout à coup, j'ai senti une bosse se former dans la poche arrière de mon jean. N'osant pas y croire, j'ai sorti mon portefeuille et je l'ai regardé pendant dix bonnes secondes avant de retrouver la parole.

 

- Tu … Peux … Téléporter des objets ?

- Oui !! C'est trop génial, non ?!

 

      Alex était totalement surexcité et se délectait de mon étonnement. Tout à coup, je suis sorti de ma léthargie :

 

- Mais c'est trop classe !!!!! Comment tu fais ça ? Est-ce que tu peux faire d'autres trucs ? C'est vraiment beaucoup trop cool ! Tu peux le refaire ?

- Hé calme-toi, s'est-il exclamé en riant. Oui je peux le refaire, mais au bout d'un moment ça m'épuise. Pour le moment je n'arrive pas à faire bouger de gros objets, mais je pense que je fais un peu de la télékinésie, tu vois ? J'arrive à faire bouger des objets à distance, et à en transporter d'autres un peu où je veux. J'ai pas encore testé ça sur de grandes distances mais avec de l'entraînement …

- Alixe va être folle quand je vais lui raconter ça !

- Ah euh … Tu comptes lui dire ?

 

      En voyant son hésitation, j'ai été surpris, puis je me suis rappelé qu'il ne pouvait absolument pas deviner ce qui s'était passé de notre côté. J'ai donc entrepris de tout lui raconter depuis le début, bien que ça n'ait pas été ma décision d'origine. Maintenant, tout m'apparaissait sous un jour différent. Ce pouvoir était beaucoup plus étonnant et cool que celui d'Alixe !!

 

- Tu veux dire qu'Alixe peut prédire l'avenir ? m'a coupé Alex à ce point de mon récit.

- Bah pas tout à fait, c'est juste qu'elle fait des genre de rêves prémonitoires à mon propos quand elle s'endort.

- Trop dingue !! C'est beaucoup plus classe que ce que je fais moi !

- Tu trouves ?! Au contraire, moi je préfère carrément ton « pouvoir » ! Tu peux faire bouger des objets à distance, mec, c'est juste trop extraordinaire !

- Tu devrais dire à Alixe de venir ! Il faut absolument qu'on en parle et qu'on découvre ce qu'on va bien pouvoir faire de tout ça ! Et puis en plus, c'est sûrement pas un hasard si t'es au milieu de tout ça … Tu as peut-être une mission à accomplir ou bien …

- STOP !!

 

      Je l'ai coupé en criant presque. J'étais persuadé qu'il réagirait comme ça et je ne m'étais pas trompé. Moi aussi je trouvais ça génial qu'on partage ça tous les trois, et maintenant j'étais persuadé que bientôt nos autres potes y seraient mêlés à leur tour … Mais en même temps, je réalisais que je ne saisissais absolument pas le sens de tout cela. Alex me parlait d'une mission à accomplir ? Mais qu'est-ce que j'en savais, dans le fond ?

 

      Lorsque j'ai commencé à me poser toutes ces questions, j'ai senti de nouveau la voix s'agiter au fond de moi. Et avant que je puisse bouger le petit doigt, le temps s'est comme figé autour de moi. Les contours des choses étaient flous, et j'ai tenté d'appeler Alex mais il ne semblait plus m'entendre ni même être capable de bouger.

 

- Ton temps et le sien ne s'écoulent plus au même rythme, a annoncé calmement la voix.

 

      Je l'entendais résonner tout autour de moi.

 

- Je suis heureuse de voir que tu as enfin décidé d'ouvrir ton esprit et de te poser les bonnes questions. Je commençais à m'inquiéter, et à croire que tu ne surpasserai pas tes convictions et tes préjugés.

- Euh … Bon. D'accord. Là, c'est vraiment super bizarre. Mais bon, j'admets que tout est bien en train de se passer. Alors, est-ce que tu vas m'expliquer, maintenant … ?

- En partie, oui. Je ne sais pas tout, mais je peux tout de même t'aider à comprendre ce qui t'arrive.

- Je t'écoute.

- Avant toute chose, sache que ce que je vais te révéler n'a jamais été dit à personne d'autre. Jamais. Certains penseurs ou prophètes ont commencé à entrevoir la vérité mais aucun être humain ne s'est jamais vu divulguer ce que tu vas apprendre maintenant. Il est donc parfaitement normal que rien de tout cela ne fasse de sens pour toi dans un premier temps … Mais je vais te prier de ne surtout pas refermer ton esprit, sans quoi tous mes efforts pour t'amener jusqu'à cette conversation auront été vains.

 

      J'ai pris le temps de réfléchir un peu, et d'enregistrer ce qu'elle venait de me dire. Une fois que j'ai été sûr que j'étais prêt à gober tout et n'importe quoi, j'ai hoché la tête.

 

- Très bien, a-t-elle repris. Depuis un peu plus de 2000 ans, l'avenir de tous les êtres humains est tracé. Je ne te parle pas de l'avenir de l'humanité, mais de l'avenir de chaque personne individuellement. Ainsi, quelles que soient les décisions que vous prenez au cours de votre existence, elles étaient en fait déjà écrites. Vous n'avez absolument aucun contrôle sur ce qui vous arrive au cours de votre passage sur Terre.

 

      Elle avait découpé sa dernière phrase mot par mot, comme pour que je prenne pleinement conscience de ce que cela signifiait. Et je l'ai fait ! Pour une fois depuis le début de cette histoire, j'ai compris du premier coup tout ce que ça impliquait pour moi, mes amis, mes amours et tout ce que j'avais vécu jusqu'ici. Pourtant croyez-moi, ça m'a perturbé.

 

- Mais, me suis-je demandé, par qui nos vies sont écrites, alors ? Si ce que tu dis est vrai, alors forcément quelqu'un est derrière tout ça non ? Ou quelque chose.

- Oui. Et vous le connaissez tous. Vous l'appelez Dieu.

 

      Dieu. Prenez une minute pour vous mettre à ma place. À cet instant de mon histoire, une voix sortant de mon estomac avait arrêté le temps pour me raconter comment Dieu, qui existait donc vraiment, s'éclatait à organiser les vies des 7 milliards de pions qui se baladaient sur Terre. Comment vous auriez réagi, vous ? Et moi, si on m'avait annoncé ça de but en blanc quelques jours plus tôt ? Mais à ce moment-là, j'avais promis de garder l'esprit ouvert et de croire à tout ce qu'elle me dirait. Alors j'ai pas trop eu le temps de me poser la question. La voix a continué, imperturbable.

 

- Et depuis qu'elle existe, nous luttons de toutes nos forces contre le déterminisme que cette entité tente d'imposer aux humains, qu'ils croient ou non en « Dieu ». Par ailleurs, l'entité dont je te parle n'a vraiment rien à voir avec l'image que vous vous en faites. Elle est bien réelle et contrairement à ce que vous croyez, elle est loin de ne vouloir que le bien de tous !

- Je ne crois pas en Dieu, ai-je simplement répondu.

 

      La voix s'est tue. Pendant ce silence, une de ses dernières phrases m'est revenue en tête : «  nous luttons de toutes nos forces contre ce déterminisme … ». Nous ? Je l'ai interrogée.

 

- Nous sommes la Vie au sens premier du terme. Nous sommes les étincelles qui parcourent vos cellules et vous font naître, bouger, penser … Et qui provoquons votre mort lorsque nous nous éteignons.

 

      Je me suis assis. À l'heure où j'écris ces lignes, tout a pris sens dans ma tête depuis longtemps mais à l'époque, sur le moment … Je n'arrivais absolument pas à organiser ce qu'elle me disait. Tout simplement parce que malgré mon « ouverture d'esprit » toute neuve, je ne pouvais pas admettre ce que j'entendais. J'ai demandé à la voix de bien vouloir faire une pause et j'ai essayé de croire de toutes mes forces qu'elle disait la vérité. Un simple coup d’œil vers Alex, toujours figé, m'a aidé à m'en convaincre. J'ai respiré un grand coup, et j'ai essayé de mettre en ordre toutes les révélations qu'elle venait de me faire.

 

- Laisse-moi résumer et arrête-moi si je me trompe. Nous, les humains, sommes habités par des … étincelles qui nous font vivre.

- C'est exact. À ceci près que nous SOMMES la vie. Nous ne vous faisons pas vivre, car nous sommes votre vie. Votre force vitale si tu préfères.

- Bon, mettons. Et donc ces étincelles luttent contre la direction qui est imposée à notre vie par « Dieu ». Dieu qui est une entité au-dessus de nous et qui dirige nos destins à tous comme ça lui chante. J'ai bon ?

- Oui. Appelons-le Dieu pour de bon, pour que ça soit plus simple de nous comprendre. Dieu est une entité qui contrôle le destin des humains, comme tu l'as bien retenu. Mais nous, les étincelles de vie de chacun, sommes également autant de fragments d'une autre entité supérieure.

- Une deuxième entité comme Dieu, alors ? Et vous êtes en lutte. Comme une guerre entre deux pouvoirs différents ?

- C'est exactement cela. Et nous formons l'entité que vous nommez « Nature », ou parfois « Mère Nature ».

 

      La voix s'est arrêtée de nouveau, me laissant le temps de réaliser quelles étaient les puissances en jeu.

 

- Je suppose que tu as déjà fait le lien : Dieu est censé être le père de tous les hommes, et la Nature … Leur mère. Bien que ce soient des concepts que vous avez vous-même inventés, « Dieu le père » et « Mère Nature » sont extrêmement bien choisis. D'autant plus qu'ils divisent les Hommes exactement comme ils s'opposent entre eux. Il en existe, comme toi, qui ne croient ni en l'un ni en l'autre. Mais il existe aussi énormément de personnes qui croient dur comme fer en Dieu et au bien-fondé de toutes ses actions. Tandis que d'autres, beaucoup plus rares, croient en la Mère Nature. C'est le cas des peuples proches de la nature comme les Indiens d'Amérique, certaines tribus africaines et d'autres encore. C'est aussi le cas de ton amie Alixe.

- Alixe ?!

- Oui. Elle a toujours cru au fond d'elle que si une force régissait cette Terre, il s'agissait de la force de la Nature. Et en vérité, tous ceux qui croient en l'un ou en l'autre ont en partie raison et en partie tort. Car nous sommes finalement deux forces à régir la Terre.

- Donc, l'ai-je interrompue, la Nature et Dieu luttent l'un contre l'autre. La Nature est pour la liberté de chacun … Tandis que Dieu essaye de vous priver de cette liberté en définissant à l'avance le destin des humains, dont vous êtes d'ailleurs la vie.

- Exactement. Et en faisant ça, il nous rend impuissantes car nous sommes piégées à l'intérieur de vous, et même si nous vous animons, nous ne pouvons pas contrecarrer vos actes.

 

      J'ai laissé ma tête basculer en arrière, sur le canapé. J'ai contemplé le plafond pendant quelques instants avant de reprendre.

 

- Je crois que je commence à comprendre. Mais alors moi, dans tout ça ?

- Toi, Matt, tu viens de faire éclater ton destin en mille morceaux. En prenant la décision de changer fondamentalement ton être, avec autant de volonté, tu as rompu l'avenir que Dieu t'avait réservé. Et tu as réussi à reprendre le contrôle total de ta vie. Tu as cru tellement fort que c'était toi qui décidait ce que ta vie serait à partir de maintenant, que tu y es arrivé.

 

      Il y a eu un blanc. Tout à coup, je me suis relevé du fauteuil avant de m'exclamer :

 

- Ouaouh !!! Mais c'est hyper badass en fait ! JE suis hyper badass !!

- On peut sûrement dire ça, me répondit la voix en riant.

 

      En l'entendant rire, comme n'importe qui, j'ai trouvé la voix beaucoup plus sympathique et beaucoup moins flippante. En plus, en y repensant, elle faisait un peu partie des « gentils » de l'histoire ! J'ai souri. Je me sentais beaucoup mieux que depuis plusieurs jours. Je me sentais libre ! J'avais réalisé quelque chose d'unique et de fantastique. Moi, Matt, j'avais brisé le destin qu'un Dieu avait concocté pour moi … Je me suis senti surpuissant !!

 

- Matt, a dit la voix, me tirant de mes rêveries. Ce changement que tu as opéré en toi t'a fait quitter le chemin tracé pour ta vie. Mais en modifiant ta ligne de vie, tu as aussi bouleversé tout l'équilibre qui était organisé autour ! Les vies de tous les êtres humains sont connectées selon un schéma que Dieu seul connaît. Si on change le tracé d'une seule d'entre elle, cela se répercutera nécessairement sur toutes celles qui gravitent autour, et qui sait sur combien d'autres encore ?

- Oh !! C'est pour ça que mes amis changent avec moi ? Et c'est pour ça que tu m'as dit que j'étais le seul à pouvoir intervenir, tout à l'heure … C'est évident maintenant ! Je suis le seul à avoir réussi à briser l'avenir et je suis maintenant celui dont toutes les décisions modèleront l'avenir des autres personnes qui m'entourent !

- Oui, je n'aurai pas mieux résumé la situation, m'a félicité la voix. De plus, c'est la première fois de mémoire de Nature qu'une étincelle peut discuter librement avec l'humain qu'elle anime. En cela, tu as fait de moi un fragment unique de la Vie ! Je t'en remercie.

- Je t'en prie, c'est tout naturel, ai-je répondu en prenant une voix de héros qui vient de sauver la Terre.

- Le souci, a continué la voix sans relever ma blague, c'est que du coup je ne sais pas non plus ce que nous sommes censés faire maintenant. Je ferai de mon mieux pour t'aider et te conseiller … Mais si tu as réussi à changer ton avenir, ça veut dire que tout dépend de toi maintenant.

- Tout quoi, exactement ? me suis-je méfié.

- Tu es le seul à pouvoir prendre la décision de libérer l'humanité toute entière du joug de Dieu. Ce Dieu que vous-mêmes, humains, avez créé ...